Mal de MémoireRoman
Écritures Roman, Nouvelle, Europe, Espagne 2011 En 1900, Ramon et Ana quittent leur terre espagnole devenue trop ingrate et s'exilent en Algérie. Douze ans plus tard, un drame familial les oblige à revenir en Espagne où naît leur fils, Paco. le pays s'enfonce dans l'insécurité. En 1936, la guerre civile éclate et Paco rejoint les rangs des Républicains. Après la défaite... |
Commentaire de Philippe Rouyer, auteur critique littéraire Un bon et beau livre court, sobre qui nous change des nombreux ouvrages de fiction qui abordent cette terrible guerre civile espagnole. Tous les thèmes habituels dans ce type d'ouvrage sont là mais de manière oblique et donc plus forte à mon goût. Pierre Pommier a choisi de parler de la guerre d'Espagne à travers l'histoire au présent de trois générations qui n'oublient pas, même expatriées en Algérie quelques années, leur village d'origine et la mer qui donne tout son sens à la Vie. Les mots « Vive » - « vis » -qui ponctuent les moments de guerre, de résistance ouvrière et politique sont un hommage à la mer - la mère . Pierre Pommier est bordelais, et plutôt que de s'appesantir sur des descriptions déjà trop connues des actions révolutionnaires anti-phalangistes et leur cortège de revanches terroristes des milices, de l'exode avec arrêt obligatoire au camp de Gurs, il a choisi de faire travailler Paco, le fils de Ramon à Bordeaux sur le chantier funeste de la base sous marine. Ce qui compte dans ce livre ponctué de retours en arrière dans chacune des trois parties ( la mer, la guerre, le village) c'est le destin qui s'acharne sur des gens simples et forts, bons et faits pour l'amour et non pour la guerre. La mémoire est une arme à double tranchant et il faudra plus de temps que celui de l'histoire civile pour faire oublier à Paco la mort de son premier enfant, celle de sa soeur et de l'apparente damnation des humbles en face des pouvoirs et d'un Dieu confisqué par l'Église catholique. C'est au crépuscule de sa vie qu'il pourra pousser la porte du cayolar qui le hante et se délivrer, auprès de Carole sa deuxième femme, des mots restés derrière la porte. « Les mots derrière la porte » auraient d'ailleurs fait un beau titre à ce Mal de Mémoire. Par la retenue du style, la poésie de métaphores toujours bien maîtrisées, ce livre, grâce à sa sobriété, se lit à la fois comme un bon roman et comme un beau commentaire sur une des périodes les plus sombres de notre passé. |
Commentaire de Daniel Cohen, directeur de la collection Ecritures chez L’Harmattan À l’opposé de Jovis, récit plus intimiste, Mal de mémoire traverse le XXe siècle et charrie, avec lui, la mémoire d’une Espagne toujours brûlante et insurgée. De la péninsule à l’Algérie, de ce pays à la patrie des origines, puis, après latragédie de 1936-1939, de la défaite au refuge dans la République française,qui n’avait pas su ou pu, elle, soutenir le Frente popular, un siècle quasiment marque les personnages d’une saga ample. Le sujet aurait pu incliner à la dilatation. L’auteur, par nature, j’imagine, a su substituer, à la facilité du développement, un jeu de narration harmonieux et contenu. Bref, ce Mal de mémoire mérite notre estime. |