Au Bout de l'ÉtéRoman
Histoire - Seconde Guerre Mondiale, Monde Juifs 2013 Été 1990. Judith a dix ans. Elle passe ses vacances dans la demeure familiale entre lacs et forêt et océan. Certaines nuits, un mystérieux personnage se rend dans le pavillon où son grand-père, médecin, recevait ses patients. Au bout de l'été le médecin est nommé à titre posthume " Juste parmi les Nations ". |
Critiques C’est dans un décor apaisant et d’une grande sérénité que se situe le troisième roman de Pierre Pommier : un lac, la forêt landaise, une vaste maison, La Ménardière avec son mystérieux pavillon jaune, témoin d’étranges allées et venues. Posé sur cet univers le regard d’une petite fille de 10 ans, Judith. Vive et gaie, opiniâtre et déterminée elle va passer cet été 1990 à chercher à percer les secrets des adultes qu’elle pressent avec une fine intuition mais auxquels elle ne peut rien comprendre. Les adultes ? sa grand-mère, tendre et affectueuse mais impénétrable ; sa mère, vivante et inquiète ; en arrière-plan le grand-père, disparu l’été précédent, silencieux médecin à la retraite qui recevait d’étranges visiteurs dans le mystérieux pavillon jaune. La silhouette du père toujours absent et en voyage. Mais aussi le petit compagnon de jeu, le fils de Victor le voisin, Benoît, à qui Judith est unie par une tendre et amicale complicité qui évoluera au cours du livre. Ce n’est qu’à la toute fin que Judith percera ces secrets si bien gardés et découvrira les atrocités de l’Histoire, le monde des adultes avec ses horreurs et ses violences, mais aussi avec ses grandeurs, ses générosités et la farouche volonté de certains de sauvegarder la dignité humaine.On retrouve dans ce roman les qualités déjà relevées dans Jovis etMal de mémoire, parus précédemment : clarté et rigueur de l’expression ; une réelle aisance à faire vivre des personnages et à créer une atmosphère. L’originalité de ce nouveau livre consiste à adopter le point de vue d’une enfant de10 ans, curieuse de la vie mais décontenancée par ce qu’elle ne comprend pas, qui ne perd pourtant rien de sa fraîcheur, rien de sa spontanéité ou de sa volonté têtue et enfantine d’accéder à la vérité. Et c’est avec beaucoup de gravité et de maturité qu’elle découvrira la réalité du monde des adultes. Michel Seva L'Eustache d'encre « Au bout de l’été » comme les deux précédents romans de Pierre Pommierest profondément intégré dans l’univers géographique de l’auteur, ce sud-ouest où l’eau et la terre se marient. Pierre Pommier parle, avec une infinie tendresse, de la famille ou plutôt des relations privilégiées entre grands parents et petits enfants, de ce devoir de transmission qui guidait les générations passées et qui peut-être manque cruellement à trop d’enfants d’aujourd’hui issus de familles déchirées. A coup de petites touches, de « plans séquences » sans doute inspirés de son autre carrière de documentariste, il montre comment une grand-mère aimante et attentive peut guider les derniers instants de l’enfance de sa petite fille Judith, profiter de la curiosité d’une enfant pour lui parler du tragique, l’initier à des valeurs morales intemporelles, lui signifier concrètement ce qui est digne d’admiration … mais aussi lui apprendre à décoder et apprivoiser des émotions inconnues. Cette histoire toute entière de connivence entre une grand-mère et sa petite fille, où la génération des parents – principalement les pères qui sont soit peu responsables soit guidés par des passions coupables - est un peu transparente, est passionnante. Elle permet à Pierre Pommier de parler avec chaleur et humanité de sa région et des évènements qui le touchent, la persécution des Juifs et l’exil des républicains espagnols…. Et d’y intéresser le lecteur. Le travail sur l’écriture fait le reste … le lecteur se surprend très vite à chercher fiévreusement la suite des évènements … Jean-Claude Crépeau Organisation Internationale de la Francophonie Nous pourrions appliquer la formule de Jean-Jacques Rousseau à ce roman de Pierre Pommier « Le but que l’on doit proposer dans l’éducation d’un jeune homme, c’est de lui former le cœur, le jugement et l’esprit. » Ici, il s’agit en l’occurrence d’une enfant de dix ans, Judith, qui en 1990 passe comme chaque année ses vacances à la Ménardière, au cœur des Landes où vit sa Grand-mère dans la maison familiale. Grand-père est mort un an plus tôt emportant aux yeux de Judith un secret dont elle aimerait suivre jusqu’à la source le Fil d’Ariane. Mais attention ! Le prénom Ariane signifie « sacré » en grec. Et c’est bien du parcours initiatique de la jeune Judith dont il s’agit dans ce roman qui peut se lire comme une enquête policière. Que se passe t’il dans ce pavillon jaune où Grand-père s’enfermait des heures durant ? Quels sont ces allers et venues au cœur de la nuit? Qui étaient ces visiteurs du pavillon jaune et pourquoi l’entrée en est interdite à Judith ? Ce n’est pas Ulysse le chien de la maison qui en apportera les réponses. Les apparences sont trompeuses. Car le fil qui se déroule dans un style d’écriture fluide où la narration est soutenue par une mise en tension émotionnelle forte ; nous amène à la vérité de ces familles de chair, d’esprit et de pensée qui ont œuvré pour la liberté d’une Humanité retrouvée. Voici un livre qui s’adresse à tout le monde, à chacune, à chacun, des adolescents que nous fûmes et des ados de maintenant. Au bout de l’été de Pierre Pommier redonne faim en l’espérance et la fraternité. Daniel Buffet Radio Campus Bordeaux |
Thématique Sensations et émois sensuels de l'enfance. Le monde des adultes à travers le regard d'une fillette. La nature. La traque et le sauvetage des Juifs. La transmission d'un héritage moral. Article du journal Sud-Ouest lundi 12 août 2013 www.sudouest.fr/2013/08/12/les-secrets-d-un-ete-1138770-3229.php Emission Radio Bleu Gironde 6 décembre 2013 http://www.francebleu.fr/societe/place-des-grands-hommes/place-des-grands-hommes-france-bleu-ironde-recoit-pierre-pommier-18h10 Début du roman Eté 1990.J’avais dix ans, nous traversions les Landes, le temps était magnifique, ma mère me conduisait chez ma grand-mère, pour les vacances. J’étais contente. A Soustons, des gendarmes nous ont demandé avec courtoisie de nous garer sur le bas-côté. Il fallait laisser passer un véhicule avec un drapeau tricolore à l’avant. Le président Mitterrand se rendait dans sa bergerie de Latché. A l’arrière, j’ai aperçu un homme ramassé sur lui-même. Il portait des lunettes et lisait. C’est tout ce que j’ai pu voir du Président. En arrivant à La Ménardière, une demeure en pierre sur laquelle grimpait une vigne vierge, Ulysse m’a sauté dessus en jappant. Il me faisait la fête. Maman a voulu stopper ses élans en lui disant : « Tranquille, le chien ! », elle ne voulait pas qu’il tache ma jupe, mais Ulysse était trop content de me voir. L’affection d’un chien, ça peut parfois salir la jupe d’une fillette, mais ça fait toujours briller le cœur. Ulysse le comprenait bien. Lui aussi avait un cœur. Les mots et les gestes de maman ne l’intimidaient pas. Ma grand-mère est apparue sur le perron. Elle s’est d’abord adressée à Ulysse. Voix ferme, geste autoritaire, – Ulysse !... Suffit! L’animal l’a regardée et s’est aussitôt calmé. Gracieuse, un joli sourire habillant son visage, elle portait un chignon noué d’un ruban. Elle m’a embrassée et prise dans ses bras. Je me suis sentie bien contre elle, j’avais l’impression qu’elle me protégeait. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours été persuadée que ma grand-mère faisait partie d’un monde à part, à la fois d’ici et hors d’ici. J’avais envie de lui confier mes petits secrets dès que son regard se posait sur moi et qu’elle me souriait. En même temps, elle m’intimidait, tant je la percevais comme à part. – Alors, Judith, ce voyage ? - Nous avons vu le Président. – Lequel ? – Celui de la France. – François Mitterrand ? – Ouais. – Tu lui as souri ? – Il portait des lunettes. – Tu lui as parlé ? – Je n’ai pas pu. – Et pourquoi, ça ? – Il lisait. Grand-mère et maman ont pouffé de rire. Je ne comprenais pas si elles se moquaient de moi ou du Président de la France. Comme elles me regardaient avec tendresse, j’ai compris qu’elles riaient de Lui. Probablement parce qu’il portait des lunettes et qu’il lisait en voiture. J’ai été surprise qu’elles se moquent ainsi. En classe, la maîtresse nous parlait parfois du Président de la République quand il recevait un autre Président, un Roi ou un Prince dans sa grande maison nommée « L’Elysée ». La maîtresse ne se moquait pas. Elle éprouvait même une certaine fierté en parlant de Lui. C’est alors que je me suis souvenue qu’un jour grand-mère et moi regardions la télévision, le Président parlait. Il ne portait pas de lunettes et regardait fixement droit devant lui comme s’il ne voyait qu’une seule personne, en disant qu’il s’adressait à tout le monde. Grand-mère haussait les épaules, manifestement déçue par ses propos que je ne comprenais pas bien. Moi-même, je me retenais de rire, me rappelant les mots de la maîtresse : « Respect, Fierté, République… ». Ce que je trouvais drôle, c’était la mimique du Président. Il clignait des yeux en continu et faisait une moue de la bouche comme s’il avait avalé trop vite une bouchée et que, du coup, il avait peur de s’étouffer. D’un geste précis, grand-mère a passé la main sur ma jupe pour enlever les traces des pattes d’Ulysse. Elle portait une robe à fleurs blanches et j’ai approché mon nez des marguerites imprimées. – Mamie, tu sens la marguerite ! – T’es sûre ? – Archi sûre, Mamie. – La marguerite, tu sais, ça n’a pas d’odeur. – Alors c’est quoi ? – Toujours le même parfum ! – Je ne connais pas cette fleur, mais elle sent bon. |